lundi 9 février 2009

En guise de conclusion

On ne revient pas d'un voyage ou d'un séjour à l'étranger tel que l'on est parti: notre perception de nous-mêmes et du monde change. Certaines aspérités de notre personnalité ont été depuis longtemps limées par notre mode de vie, notre culture, notre confrontation avec autrui. On croit bien connaître ses forces et ses faiblesses et l'on s'est, au fil des ans, aménagé une existence qui permet d'exploiter les premières et d'éviter - autant que faire se peut - que les secondes nous sautent au visage. Nous avons soigneusement inscrit, sur notre carte de géographie intérieure, nos autoroutes, nos sommets à gravir, nos marécages, nos impasses et nos havres de paix: nous voilà rassurés, nous pouvons avancer dans la vie bardés de certitudes...

Si les vacances permettent une incursion dans d'autres paysages, d'autres cultures, d'autres habitudes, elles sont trop courtes pour nous confronter à nos limites. Au contraire, on vise à ce qu'elles nous les fassent oublier, qu'elles nous extirpent des contraintes du quotidien pour nous offrir du rêve, du soleil, des découvertes, de l'exotisme (et nos photos démontrent à quel point notre regard est sélectif: combien de couchers de soleil sur la mer et combien d'égouts à ciel ouvert? Pourtant ce sont deux faces d'une même réalité). Qu'on le veuille ou non, les vacances font de nous des touristes qui glissent à la surface du monde.

Mais un séjour plus long (ne serait-ce que de 2 mois) change la donne. Durant les 2-3 premières semaines, nous avons vécu en touristes et tout ressemblait à une carte postale de la Floride: jolie maison avec piscine, palmiers, Everglades avec leurs alligators, plages de sable fin et supermarché où tout est à nos yeux surdimensionné. Le lait et le jus d'orange s'achètent par gallons (3,7 litres), la viande par emballages d'au moins 2 T-bones de 400 grammes chacun, les bières par packs de 12 et vivre sans véhicule est totalement impossible. Puis peu à peu, la carte postale pâlit et sous le vernis aux couleurs de paradis, la réalité se fait jour... L'humidité moisit tout, l'écoulement des toilettes est sous-dimensionné et si l'on utilise plus de 2 coupons de papier ça se bouche, de gros cafards se promènent la nuit dans la cuisine et mieux vaut ne rien omettre sur la liste des courses si l'on ne veut pas refaire 8 km pour retourner au magasin le plus proche.

Voilà nos habitudes et nos modes de fonctionnement tout chamboulés! On s'en amuse dans un premier temps, puis on s'irrite, on critique, on rejette. C'est comme dans les histoires d'amour... Les petits travers que nous trouvions touchants chez l'autre deviennent d'insupportables défauts, on n'avait vu que ce qui nous rassemblait et voilà qu'apparaît ce qui nous différencie. On n'est plus très sûr d'aimer...

Le secret, c'est de ne pas en rester là, mais de comprendre que c'est justement tout ce qui nous dérange (dé-range) qui nous fait évoluer et qu'il faut lâcher sa belle carte de géographie bien ordonnée car le paysage a changé. On entre en terre inconnue, nos points de repère sont obsolètes, il faut dessiner la carte d'une nouvelle réalité sans basculer d'un extrême à l'autre, en prenant un peu de recul et en gardant le sens de l'humour (et il y a des jours, c'est dur!).

Nous avons traversé ces étapes sur une courte période, avec la certitude que nous allions rentrer chez nous, mais ce séjour a aussi changé mon regard sur les immigrés: j'ai réalisé à quel point il est difficile de changer de langue, de culture, de mode de vie, d'habitudes alimentaires et bien souvent de profession, souvent pour le restant de ses jours. Je lève donc mon chapeau à ceux qui ont réussi ce parcours du combattant avec brio, en particulier nos amis Alina et Tavi, Dante et Pina, Yosch et Sarah, Kristel et Andrea, Santina, Carmen, Abdoulaye, William et Hussein (pardon à ceux que j'oublie)!

L'Amérique, tout comme nous, est à la fois complexe, touchante, pleine de contradictions, drôle, agaçante, bon enfant... On l'aime et on la déteste tour à tour selon qu'on assiste avec émotion à la journée inaugurale de Barack Obama, qu'on constate que l'on n'existe dans ce pays qu'en fonction des signes extérieurs de richesse, qu'on se voit confirmer que l'on peut partir de rien et tracer sa route avec succès, qu'on a les mains dans le caca jusqu'au coude ou que surgit une immédiate complicité devant les facéties de nos chiens à Dod Beach...

Bye bye and thank you, America!

P.S. Un grand merci à tous ceux qui m'ont encouragée et complimentée pour ce blog! Vos réactions, vos rires, vos indignations ont été mon carburant et j'ai eu beaucoup de plaisir à vous faire partager jour après jour ce que nous vivions... Vous avez aimé ce blog? Il fera prochainement l'objet d'un livre avec photos: si vous en souhaitez un exemplaire (qui coûtera une trentaine de francs), vous pouvez le commander par mail à l'adresse suivante:

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